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Comment la Migros tue l’idéal de Duttweiler

Syna, l'Université populaire africaine de Genève (UPAF) et l'Observatoire du racisme anti-noir de Suisse (CRAN ) ont tenu une conférence presse ce matin dans les locaux du syndicat à Genève. Accompagné d'un employé de la Migros, les 3 organisations ont dénoncé la politique de gestion du personnel pratiquée par la coopérative créée par Gottlieb Duttweiler.

Lisez ci-dessous le communiqué ayant sanctionné la conférence.

COMUNIQUE DE PRESSE

Comment la Migros tue l'idéal de Duttweiler

« Dans le contexte extrêmement concurrentiel qui est celui du commerce de détail ces dernières années, nous avons été amenés à redéfinir nos exigences en matière de performance de nos collaborateurs. Cela s'est traduit par des actions de formation à large échelle pour nombre de nos collaborateurs, mais aussi par le repositionnement de certains, conformément à nos valeurs sociales.

Nous pouvons ainsi vous garantir que le cas de Laurent (prénom d'emprunt) n'est pas exceptionnel : nous avons plusieurs fois dû nous rendre à l'évidence qu'en dépit de repositionnements et d'attentes atténuées, certains collaborateurs ne sont toujours pas dans les objectifs et nous devons malheureusement nous en séparer. Il va de la pérennité de l'entreprise. »

Voilà la réponse que Migros Genève a adressée, par écrit, à nos 3 organisations après une rencontre concernant le licenciement de Laurent, 57 ans, qui travaille chez Migros Genève, au MElectronics, au point de vente de Balexert depuis le 1er mars 2005 après 1 année de stage en entreprise en tant que vendeur RTV (radio/télé).

Nos 3 organisations s'insurgent contre cette brutale politique managériale assumée par la Migros qui ne cesse pourtant de vendre auprès du public l'image d'une entreprise dont les valeurs sont officiellement restées fidèles à la vision de Gottlieb Duttweiler, son fondateur.

La réalité c'est que la Migros est devenue une entreprise qui presse comme du citron son personnel qu'elle jette après sans aucun état d'âme. Ainsi, depuis de nombreuses années, la Migros se débarrasse du personnel dont elle considère manifestement l'ancienneté comme un problème plutôt qu'une richesse. Laurent entre dans cette catégorie d'employés jetables désignés par la Migros.

À la recherche de défis stimulants pour se reconstruire après le génocide vécu au Rwanda, Laurent est devenu un excellent vendeur. Il va exploser des records durant des années et va, pour ses performances, obtenir des médailles d'or virtuelles de la part de La Migros. Durant le COVID-19, Laurent est affecté au non-alimentaire. En septembre 2020, en raison d'une réduction d'effectifs à Balexert, toute l'équipe MElectronics a été replacée. Sur les 7 personnes y travaillant, seul Laurent, curieusement, n'avait pas trouvé de place fixe. Toutes ses postulations chez Do-It et Micasa n'ont jamais reçu de réponse. Finalement Laurent sera muté au MParc La Praille comme un bouche-trou où ses chefs lui répétaient à l'envi qu'il était normalement « viré » après Balexert et qu'à La Praille, il n'y avait pas vraiment sa place. Tantôt au MElectronics, tantôt au MService, Laurent recevra le 29 septembre 2022 un avenant à son contrat de travail assorti de 6 objectifs à atteindre. Encore une fois, la discrimination est flagrante : Laurent est le seul employé à devoir remplir des objectifs fixés. Il passe ainsi Employé fixe au Mservice dès le 1er octobre 2022. Dans cet avenant, figure un détail intitulé : « Point de situation : Dans un délai de 3 mois ». Celui-ci annonce le plan concocté par la Migros pour liquider Laurent.

Ce plan sera déjoué par les résultats des évaluations qui suivront :

Le 30 octobre 2022 : une première évaluation : 5 des 6 objectifs sont atteints.

Le 22 décembre 2022 : une seconde évaluation : Les 6 objectifs sont atteints et 2 devraient être améliorés.

Le 30 janvier 2023 : Lors de la troisième évaluation, Migros dit à présent avoir observé que Laurent, après près de 20 ans de service dans l'entreprise, ne fait « pas preuve de remise en question et de prise de recul pour bien écouter les directives », qu'il « ne respectait pas les directives du règlement en ce qui concerne les appels téléphoniques privés et le respect des horaires et des pauses » et qu'il « n'est pas en conformité avec la prise en charge des besoins du client en y répondant avec professionnalisme et bienveillance ». La barque de Laurent ainsi bien chargée, Migros a choisi la date pour la couler.

Ce sera le 13 février 2023 : Pendant qu'il était en train de servir un client, Laurent est interrompu par son gérant qui le conduit au bureau de la RH où on lui notifie son licenciement avec libération immédiate de ses obligations. La lettre de licenciement qui lui est remise indique :

« Lors de l'entretien du 30 janvier 2023, nous avons fait le bilan de vos premiers pas au sein du M-Service suite à votre prise de fonction au 1er octobre 2022 et des attentes qui en découlaient. Force est de constater que les attentes concernant les compétences et les objectifs fixés ne donnent pas satisfaction. »

Ainsi, après ses presque 20 ans de travail brillamment accompli, Laurent est jeté au motif qu'il est incompétent.

Lors de l'entretien que nos 3 organisations ont eu avec la Migros, les Ressources humaines genevoises ont même expliqué que Laurent « allait aux toilettes » et qu'il « téléphonait dans sa langue maternelle ». C'est la première fois que nous apprenons qu'aller aux toilettes et parler dans sa langue maternelle peuvent constituer des motifs de licenciement. D'autant qu'en ce qui concerne l'utilisation de son téléphone privé, Laurent dont l'épouse a eu un AVC a reçu l'autorisation de son chef pour recevoir les HUG et son épouse au téléphone en cas de besoin. C'est ce qu'il fit. Le détail des communications obtenus auprès de l'opérateur téléphonique de Laurent prouve qu'il n'y a aucun appel abusif contrairement aux allégations de la Migros.

Dans ces conditions, Syna, l'UPAF et le CRAN dénoncent le licenciement de Laurent dont les motifs sont éthiquement insoutenables. Constatant la discrimination manifeste à l'encontre de Laurent et toute la mécanique mise en place pour se débarrasser de lui, nos 3 organisations ont demandé à la Migros sa réintégration. En vain.

Migros Genève refuse de considérer que derrière chaque licenciement, il y a une souffrance humaine et familiale. Pour une entreprise qui met en avant des valeurs, ce management, digne des pires multinationales, brise des fins de carrière. Cette brutalité à l'égard du personnel dont la Migros veut se débarrasser est inacceptable.

La Migros est une société antisyndicale. Elle s'oppose à toute activité syndicale en son sein et enferme ainsi le personnel dans la peur. La Migros empêche, de fait, toute organisation de son personnel maintenu sous le boisseau d'une commission du personnel alibi. Cette forme d'endogamie cache à peine l'obsession antisyndicale d'une entreprise qui impose implacablement sa loi aux travailleuses et travailleurs qui, de manière consciencieuse et professionnelle, font sa richesse. À l'heure où beaucoup d'entreprises s'ouvrent au partenariat social avec de véritables CCT garantissant des conditions négociées démocratiquement par des organisations mandatées par le personnel, l'enfermement de la Migros est scandaleux.

La clientèle doit savoir que contrairement à l'image d'Épinal qu'elle lui vend et survend, la Migros n'est plus la coopérative sociale de Duttweiler. Elle s'est transformée en un ogre orange pratiquant une politique managériale brutale, violente et destructrice de l'Humain.

Le syndicat Syna se tient à la disposition du personnel de la Migros dans son ensemble, déjà licencié ou susceptible de l'être sur la base de cette politique managériale du géant orange, pour l'écouter et le soutenir.

Genève, le 18 octobre 2023

Pour toute information :

Komla Kpogli, Secrétaire régional tertiaire de Syna, 076 542 79 18

Fabrice Chaperon, Responsable régional de Syna, 076 347 11 36

Kanyana Mutombo, Directeur de l'UPAF et Secrétaire général du CRAN, 079 754 54 85


Laurent (employé licencié par la Migros), entouré de Kanyana Mutombo de l'UPAF et CRAN et de Fabrice Chaperon et Komla Kpogli de Syna.


Les dérives de la Migros vues par son fondateur, Gottlieb Duttweiler.

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