En matière de politique familiale, la Suisse est un pays en voie de développement. Valérie Borioli Sandoz, responsable de la politique d'égalité chez Travail.Suisse, explique pourquoi il en est ainsi et comment y remédier.
Valérie, tes enfants sont grands. Qu'est-ce qui s'est amélioré ces 20 dernières années?
Malheureusement, trop peu de choses. Il y a 20 ans, mon modèle familial faisait de moi une originale. Or le fait que les femmes qui travaillent doivent encore se justifier aujourd'hui est inacceptable. Et cela alors que les hommes qui optent pour le temps partiel sont célébrés comme des héros! Les mentalités doivent encore beaucoup évoluer.
Sur le plan politique, les choses ont toutefois évolué?
Depuis des années, les femmes sont au moins aussi qualifiées que les hommes et la plupart d'entre elles ont également un emploi – mais le plus souvent à temps partiel. C'est tellement dommage, et cela est dû au manque d'infrastructures pour les familles.
«Le fait que les femmes
qui travaillent doivent encore
se justifier aujourd'hui
est inacceptable.»
Valerie Borioli Sandoz
Que doit-il se passer concrètement?
Les politiciens doivent reconnaître que la famille ne doit plus rester une affaire privée. Le besoin de structures d'accueil extrafamilial supplémentaires pour les enfants et pour les proches malades et vieillissants ne cesse d'augmenter.
Les entreprises exigent de plus en plus que les femmes s'impliquent davantage dans la vie professionnelle. Mais cela ne peut pas fonctionner si on n'investit pas dans la conciliation entre travail et famille. Aujourd'hui, les femmes portent seules ce fardeau: c'est tout simplement inacceptable.
Que fait Travail.Suisse pour que cela change?
Nous nous sommes engagés à respecter notre plan d'action en matière de conciliation. Au cours des 10 prochaines années, 5 milliards de francs seront nécessaires pour créer les conditions cadres nécessaires. Cela peut sembler beaucoup. Mais à titre de comparaison, on peut noter qu'en 2019, la Suisse devrait afficher un excédent de recettes de 2,7 milliards de francs – consacrer 500 millions à la conciliation semble donc un minimum.
L'Office fédéral de la statistique (OFS) a présenté les nouveaux chiffres sur les familles et les générations. Ils montrent que la Suisse a encore beaucoup à faire en matière de conciliation entre travail et famille.
Les femmes sont désavantagées presque tout au long de leur carrière professionnelle à cause de la famille: 70% craignent des conséquences négatives pour leur carrière avant même la naissance de leur premier enfant – à juste titre. Après avoir fondé une famille, elles assument la plus grande part des tâches ménagères (68,8%) malgré un emploi rémunéré, et ce sont principalement elles qui restent à la maison lorsque les enfants sont malades (73,9%).
L'évolution dans les années à venir risque d'aggraver encore la situation: la population vieillit, les travailleurs-euses qualifié-e-s se font de plus en plus rares. Pour Travail.Suisse, des conditions cadres adéquates doivent impérativement être mises en place pour que la conciliation entre travail et famille – et donc l'égalité – puissent enfin se concrétiser. Les mesures possibles figurent dans le plan d'action de Travail.Suisse.
-> Plan d'action conciliation
-> Enquête de l'OFS sur les familles et les générations