Par Syna le 17.5.2018
Catégorie: Branchen

Échafaudages «Si tu n’en peux plus, tu peux partir…»

Dans la présente interview, X.Y., monteur d'échafaudages, s'exprime sur son parcours professionnel et son travail, sur la sécurité sur les échafaudages et sur les perspectives dans la branche. Il souhaite rester anonyme en s'exprimant sur les conditions de travail dans l'échafaudage: la pression est grande et on ne sait jamais comment le chef va réagir...

X.Y a 51 ans et est membre de Syna. Il travaille sans formation professionnelle en tant que contremaître dans une petite entreprise d'échafaudages.

Comment es-tu entré dans le métier?
J'y ai été un peu contraint par les circonstances: avant, je travaillais dans une fabrique, mais elle a été restructurée et j'aurais dû partir travailler dans une tout autre région. C'était trop loin pour moi. Cependant, à 45 ans, il n'était évidemment pas question que je cesse de travailler, pas question que je devienne une charge pour l'État social. À l'époque, c'était la crise et, sans diplôme, j'ai dû prendre ce qui se présentait.

Qu'est-ce qui te plaît dans ce métier?
Sur un chantier, on trouve des gens très différents, cependant nous sommes tous solidaires. Le travail est très dur, ingrat, mais nous nous entraidons où nous le pouvons. Et puis je travaille volontiers dehors, à l'air libre. Un bureau ne me conviendrait pas du tout.

Sur un chantier, on trouve des gens très différents, cependant nous sommes tous solidaires. Le travail est très dur, ingrat, mais nous nous entraidons où nous le pouvons.

X.Y., monteur d'échafaudages

À quoi ressemble une journée de travail ordinaire pour toi?
Je me lève vers 5h, pour être à l'entreprise vers 6h30. Là, nous saisissons les commandes pour la journée ou pour la semaine. À 9h, nous faisons une pause de 15 min. et à 12h, une pause d'une heure. Nous avons bien besoin de ces pauses pour recharger nos batteries.

Que fais-tu après le travail?
Le soir, nous quittons le travail vers 17 ou 18 heures. À mon âge, je suis alors généralement fatigué. Je ne pratique plus de sport de loisir. Même les jeunes cessent de faire du sport, parce que manipuler les tonnes d'échafaudage représente un fitness suffisant. Le soir, après le travail, tu es le plus souvent lessivé.

Qu'est-ce qui rend votre travail si dur?
Que tu sois jeune ou vieux, tu sens tes forces décliner en cours d'après-midi… Mais les jeunes récupèrent plus vite… Moi, j'ai besoin de tout mon week-end!
À mon âge, ce sont surtout les journées de grand froid, au-dessous de 0° qui sont dures. Par chance, nous recevons de bons vêtements et gants… tous les ouvriers de la branche n'ont pas un aussi bon équipement.
Mais le pire, c'est le stress… il faudrait toujours avoir terminé le travail avant même de l'avoir commencé! Se dépêcher est mauvais, parce qu'on devient inattentif, imprudent, et c'est alors qu'arrivent les accidents. Jusqu'à présent, j'ai eu de la chance, mais j'ai vu des choses terribles, surtout des blessures aux doigts.

Mais le pire, c'est le stress… il faudrait toujours avoir terminé le travail avant même de l'avoir commencé! Se dépêcher est mauvais, parce qu'on devient inattentif, imprudent, et c'est alors qu'arrivent les accidents

X.Y., monteur d'échafaudages

Et qu'en est-il des conséquences pour la santé?
Les jeunes n'ont le plus souvent pas encore de problèmes de santé. En premier, tu ressens des douleurs dans les épaules, les coudes et les poignets. Plus je prends de l'âge et plus il me faut du temps pour me chauffer, pour atteindre la température de travail. Et le soir, au lit, il n'est pas rare d'avoir des fourmis dans les muscles et les articulations qui craquent…

Quel rôle la météo joue-t-elle?
Comme je l'ai dit, le plus dur, c'est le froid: les matins froids, la plupart des ouvriers ne sont pas motivés…on boit deux cafés pour se réchauffer, le reste est ensuite une question d'état d'esprit et de volonté. Travailler par des températures négatives et avec de la bise constitue un vrai défi, avec une augmentation du risque d'accidents. Le plus dangereux est le risque de glisser, par inattention.
Par grande chaleur, il arrive que certains s'écroulent. Ce sont le plus souvent les jeunes, trop obéissants et qui se laissent houspiller. Ils commettent alors des imprudences.

Dans la branche de l'échafaudage, comment faites-vous avec le matériel lourd?
Les règles sont claires: toujours utiliser les moyens auxiliaires et la grue… Mais il arrive que ce soit trop compliqué et qu'on le fasse quand même soi-même. Parfois, on n'a pas le choix, parce qu'il n'y a tout simplement pas de moyens auxiliaires.

Quels sont à ton avis les plus grands dangers?
Le montage de l'échafaudage est le plus dangereux. Il faut garder la tête froide et se concentrer. Il y a eu des chutes d'ouvriers.

Pour résumer, quels sont pour toi les plus grands défis de ce travail?
Vieillir et rester capable de suivre un rythme qui s'accélère.

T'imagines-tu toujours sur les échafaudages dans 10 ans?
Dans cinq ans, c'est terminé, j'arrête. Je ne veux pas me détruire complètement physiquement. Tant que j'ai la santé, je continue, c'est clair. Mais je ne veux pas me retrouver un matin à ne plus pouvoir me lever… J'arrêterai au plus tard à 60 ans – sauf si les échafaudages deviennent plus légers et qu'on utilise des drones pour les monter. J'ai entendu dire qu'il existait de tels projets en Chine.

Quels changements souhaiterais-tu?
J'aimerais qu'il y ait moins de stress. On est constamment sous pression, c'est toujours «allez, allez!». Dans ces conditions, il est impossible de maintenir la sécurité au travail. Il serait aussi bon de pouvoir davantage travailler par groupes de quatre. Souvent, nous ne sommes que deux, et lorsque l'un des deux a un mauvais jour, ça devient difficile pour l'autre…
Personnellement, j'aimerais travailler à 80%, mais avec mon salaire, je ne peux pas me le permettre, et le chef n'apprécie pas l'idée. C'est pourquoi il serait important que notre travail, qui est dur, soit mieux payé, ou que nous ayons davantage de vacances.

Personnellement, j'aimerais travailler à 80%, mais avec mon salaire, je ne peux pas me le permettre, et le chef n'apprécie pas l'idée.

X.Y. monteur d'échafaudages

Existe-t-il dans le montage d'échafaudage de nouveaux systèmes ou techniques qui apportent un progrès?
Les éléments en aluminium sont plus légers, mais ils ne peuvent être utilisés partout. Nous travaillons par conséquent toujours principalement avec de l'acier. Les filets apportent une réelle sécurité, mais eux non plus ne sont pas toujours adaptés. Ce serait cool d'avoir des échafaudages en bambous – mais ça n'arrivera sûrement pas chez nous, en Suisse…

Y a-t-il des possibilités de formation continue ou de réorientation pour ceux qui ne peuvent plus effectuer ce dur labeur physique? ?
Pas vraiment. Il peut arriver que le chef t'emploie en tant que chauffeur ou à l'atelier, mais en général, on reste sur l'échafaudage.
Et à partir de 50 ans, plus personne ne t'engage. Je ne sais pas grand-chose des possibilités de réorientation professionnelle. Les jeunes suivent des formations continues. Mais personne ne pense à nous, les vieux. L'attitude (inofficielle), c'est «Si tu n'en peux plus, tu peux partir.»…

À ton avis, comment la branche de l'échafaudage va-t-elle évoluer?
Je constate depuis quelques années qu'on engage toujours plus d'employés temporaires, surtout allemands et italiens, et qu'il y a beaucoup de va-et-vient. Ici, la plupart des monteurs d'échafaudages ne sont pas des monteurs suisses diplômés. Ceux-ci progressent en général rapidement vers un poste de responsable de projets au bureau ou de contremaître, ou changent de métier. C'est un va-et-vient, et il reste les ouvriers non qualifiés, les temporaires, les jeunes et les personnes venues d'autres métiers!