Par Syna le 9.12.2018
Catégorie: Politique

«L’économie et la politique doivent agir»

En Suisse, concilier travail rémunéré, famille et autres activités est une vraie gageure. Et le prix que paient les travailleurs, déjà élevé, va encore augmenter.

Valérie Borioli Sandoz, responsable de la politique d'égalité chez Travail.Suisse, travaille beaucoup sur ce thème. Avec son «Plan d'action en faveur de la conciliation», elle dresse un tableau complet de la situation.
Celui-ci montre notamment que chaque année, pendant 10 ans, il faudra investir au minimum 500 millions de francs.

Pourquoi le sujet est-il si mal perçu en Suisse?
Valérie Borioli-Sandoz: Parce que les conditions-cadres sont déficientes. Et si nous ne faisons rien, cela sera bientôt encore pire: le vieillissement démographique, le faible taux de natalité, les exigences croissantes du marché du travail telles que la flexibilisation et les pressions exercées sur l'enregistrement du temps de travail ne vont pas contribuer à améliorer la situation. Il est certain que le prix que paient les travailleurs, déjà élevé, va encore augmenter.

Quelles seront les conséquences?

La pression sur les travailleurs ne cesse de croître. Après une journée de travail stressante, ils doivent aller chercher les enfants à la crèche ou à l'UAPE, puis s'occuper des tâches ménagères en soirée, voire passer du temps à aider leurs propres parents qui ont besoin de soutien.
Un emploi du temps qui ne laisse plus de place à l'engagement social, politique, aux amis et aux loisirs, ni même au repos. Et qui met en péril la santé des travailleurs: la Confédération a fait le calcul, et estime que le stress coûte 8 milliards de francs par année.

Les personnes touchées ne peuvent-elle pas déléguer certaines tâches? Par exemple le ménage, la lessive, les courses?

Il ne faut pas oublier qu'en Suisse, les gens doivent s'en sortir avec toujours moins de moyens. 600 000 personnes sont touchées par la pauvreté, une tendance en hausse. De nombreuses familles où les deux parents travaillent ont besoin d'un double salaire; ils ne peuvent pas se permettre de dépenser de l'argent pour déléguer des tâches.

Qu'est-ce que cela signifie pour l'avenir de notre société et de notre travail?

Là est tout l'enjeu: le travail et la vie privée doivent impérativement être mieux conciliables.
Dans ce domaine, la Suisse accuse un immense retard sur les autres pays européens. Il est maintenant temps que la politique le comprenne, prenne des mesures et les finance. Sinon, la pression sur les travailleurs deviendra encore plus forte.
Nous sommes l'un des pays les plus prospères du monde, et nous devrions donc pouvoir dépenser au moins autant que les autres pays de l'OCDE, car chaque franc investi dans une meilleure conciliation en rapporte deux, voire trois.

Que doit faire l'économie?

L'économie est responsable de faire en sorte que le travail n'ait pas d'impact négatif sur les travailleurs. Cela signifie que les temps de travail doivent être enregistrés, que la flexibilité ne doit pas uniquement incomber aux travailleurs, mais aussi aux patrons et, bien sûr, que le travail soit compatible avec la vie privée. La pénurie de personnel qualifié montre clairement que, pour recruter du personnel de qualité, les entreprises doivent offrir quelque chose en échange.
La politique et l'économie doivent maintenant investir dans une meilleure compatibilité. Le «plan d'action en faveur de la conciliation» de Travail.Suisse montre ce qui doit être fait et quand.

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