Par Selina Tribbia le 23.10.2018
Catégorie: Politique

L’initiative pour l’autodétermination est néfaste aussi pour les syndicats!

Le 25 novembre, le peuple suisse devra se prononcer sur l'«initiative pour l'autodétermination», une nouvelle initiative contre les ressortissants et les pays étrangers. Malgré son titre «Le droit suisse au lieu de juges étrangers (initiative pour l'autodétermination)», il ne s'agit ni de juges étrangers ni d'autodétermination, mais bien d'un autogoal, y compris pour les salarié-e-s!

L'objectif visé par l'UDC avec son initiative est clair: le parti veut se libérer de traités internationaux tels que la Convention européenne des droits humains (CEDH). Cela lui permettrait de faire passer plus facilement ses initiatives qui contreviennent à certains droits fondamentaux importants. Preuve en sont les initiatives récemment lancées par les cercles de droite conservateurs.

Lorsqu'elles ont été acceptées, la Parlement a dû, pour les mettre en œuvre, veiller à ne pas contrevenir au droit international – ou à toutes autres conventions venant compléter le droit international. Ces initiatives, nous les connaissons tou-te-s: l'initiative contre l'immigration de masse, l'initiative sur le renvoi, suivie de l'initiative de mise en œuvre, ou, un peu plus tôt, l'initiative relative aux minarets. Elles s'en prenaient toutes aux droits fondamentaux de minorités ou à des accords entre États. Pourtant, les droits fondamentaux en vigueur ne sont pas les seuls à être menacés: les droits des travailleurs et des travailleuses et les règles visant à leur protection, sont aussi sous pression!

Le syndicalisme en danger

Le droit des salarié-e-s de s'affilier à un syndicat pour défendre leurs intérêts est garanti non seulement dans la Constitution fédérale (art. 28, liberté syndicale), mais également par les conventions internationales du travail de l'Organisation internationale du travail (OIT), sise à Genève. Voilà qui assure une double protection à ce droit fondamental des travailleuses et des travailleurs. Si l'initiative pour l'autodétermination passait, cette protection internationale serait supprimée. Cela représenterait un sérieux danger, puisque la Constitution fédérale peut être modifiée par votation populaire et même par la volonté d'une minorité de la population habilitée à voter (en Suisse, le taux de participation aux votations est généralement nettement inférieur à 50%).
Les droits fondamentaux reconnus internationalement – tels que le droit de s'affiler à un syndicat – seraient donc constamment menacés en Suisse. Cette situation indigne de notre pays doit être évitée!

Une protection internationale pour les travailleurs et travailleuses

Les accords internationaux précisent entre autres les droits qui ne sont que partiellement réglés par la Constitution fédérale. Ainsi en va-t-il, par exemple, du droit à des négociations collectives, c'est à dire le droit des syndicats de négocier (à certaines conditions) en faveur de leurs membres avec des employeurs ou des associations patronales.
Un autre accord garantit le droit à un congé de maternité payé d'au moins 14 mois, dont 6 semaines de stricte interdiction de travailler après l'accouchement. L'initiative pour l'autodétermination menacerait donc aussi des acquis importants tels que les conventions collectives de travail ou l'assurance maternité.
D'autre part, le droit suisse n'est pas exempt d'injustices ou de lacunes, comme le révèle une discussion sur le droit à l'indemnisation des victimes de l'amiante (voir l'encadré).

Le référendum contre les espions des assurances rendu possible grâce à l'Europe

Le 25 novembre, nous voterons aussi sur une modification de la loi qui accroîtrait démesurément les possibilités de surveillance des assuré-e-s. Nous devons ce vote à la Cour européenne des droits de l'homme (Cour EDH) à Strassbourg. En effet pour démasquer des abus, la SUVA a employé pour l'observation d'assuré-e-s des moyens dépassant largement ce que la loi internationale autorisait.

Une victime de ces pratiques a déposé plainte auprès de la Cour EDH. En conséquence, la Suisse est contrainte de modifier la loi, et il a été possible de recourir au référendum contre cette modification. Si l'initiative pour l'autodétermination avait déjà été mise en œuvre, il n'aurait pas été possible au plaignant de s'adresser à Strasbourg– et d'importantes assurances sociales et privées continueraient d'utiliser des moyens contrevenant aux droits fondamentaux, suivant la tendance politique du moment!

Les droits des femmes

N'oublions pas le droit de vote des femmes, que la Suisse n'a introduit au niveau fédéral qu'en 1971, après bien des tergiversations. Il était nécessaire de l'introduire pour que notre pays puisse ratifier la CEDH. Quant à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes pour un travail équivalent, pour laquelle nous nous battons depuis des décennies, elle est elle aussi protégée par une norme de l'OIT.

Tous ces exemples démontrent combien il est important pour la protection des salarié-e-s qu'en Suisse aussi, on maintienne et respecte ces conventions de droit international contraignantes.
Voilà pourquoi nous demandons à chacune et chacun de voter NON à l'initiative pour l'autodétermination le 25 novembre 2018!

Plus d'informations
Selina Tribbia, responsable du service de politique sociétale
→ isolement-non.ch

Article en relation