Par Syna le 18.8.2020
Catégorie: Syndicat

«Il faut avoir les reins solides»

L'empathie et l'humanité sont au cœur du travail de Juan Barahona, secrétaire central chez Syna. Dans notre interview, il nous explique pourquoi il faut cependant parfois aussi taper du poing sur la table.

Que fais-tu chez Syna?

L'essentiel de mon travail consiste à représenter et à défendre les droits et les intérêts de nos membres et des travailleuses et travailleurs en général face aux employeurs. Dans les négociations sur les CCT, nous débattons des conditions de travail afin de chercher constamment à les améliorer. Le rôle des secrétaires centraux est en outre de contrôler que les CCT sont bien appliquées, c'est-à-dire exécutées. Cela se fait dans le cadre de commissions paritaires où les deux parties sont représentées, d'un côté les travailleurs et de l'autre les employeurs. Enfin, un autre aspect important sont les relations avec les médias et les représentants politiques.

Quelle est ta motivation et qu'aimes-tu particulièrement dans ton travail?

Pour faire mon travail, il faut aimer les gens. L'empathie et une bonne capacité d'écoute sont nécessaires. Il ne faut pas non plus être borné, dogmatique et camper sur ses propres positions, mais être ouvert aux travailleuses et travailleurs et aux employeurs. L'essentiel est vraiment l'humain. La diversité de l'être humain.

Mais il faut avoir les reins solides. Nous réglons en permanence des problèmes; les collaboratrices et collaborateurs des secrétariats régionaux en particulier sont confrontés à des situations conflictuelles. Nous sommes très souvent dans l'urgence. Ce serait bien si nous pouvions consacrer plus de temps à la création, à la construction.

Syna compte par ailleurs de nombreux membres étrangers. Ça me plaît. Comme mon père est arrivé d'Espagne en Suisse dans les années 1960, je m'identifie aussi personnellement à cela. C'est aussi ça, aimer les gens. Si nous n'aimions pas les personnes différentes de nous, notre travail serait plutôt difficile (rires).

Comment sais-tu quels sont les besoins des membres?

Avant tout à travers les secrétaires régionaux qui nous remontent les informations. Personnellement, j'aime aussi aller à la rencontre des gens sur le terrain . Je participe aussi volontiers aux réunions des régions et des sections ainsi qu'aux assemblées du personnel. Les conférences de branche sont aussi un moment privilégié pour cerner avec nos membres les enjeux et définir les priorités.

Il est important de savoir que les secrétaires centraux travaillent sur mandat. Cela signifie que nous négocions sur la base de ce que nos membres nous confient. Ils nous indiquent où l'accent doit être mis dans les négociations.

Peux-tu nous citer un succès que tu te remémores volontiers?

Restons modestes – les succès sont toujours des succès collectifs. Ce qui me réjouit particulièrement est que Syna est signataire de presque toutes les CCT en vigueur en Suisse romande dans le domaine de la santé. Cela démontre que Syna est reconnu et respecté dans une branche très importante.

Le modèle de préretraite, dans le domaine de la santé où les conditions de travail sont souvent très pénibles, constitue aussi une victoire syndicale importante.

«Restons modestes – les succès sont toujours des succès collectifs.»

Juan Barahona
As-tu aussi vécu des situations comiques ou bizarres?

Il faut avoir le cuir épais. Il faut savoir encaisser, mais parfois aussi répliquer (rires). Les employeurs peuvent parfois t'attaquer personnellement. Lorsqu'il s'agit de négociations, il ne faut pas avoir peur et parfois aussi taper du poing sur la table pour forcer le respect. Mais il arrive aussi que tout se passe bien; il en est ainsi surtout dans le domaine social, probablement en raison du parcours professionnel des gens. Dans ces négociations, c'est parfois presque comme s'il n'y avait que des syndicalistes autour de la table (rires).

Selon toi, qu'est-ce qui caractérise le travail syndical?

J'ai obtenu la réponse la plus pertinente à cette question en demandant à deux hommes travailleurs, lors d'une visite syndicale, s'ils étaient membres d'un syndicat. Le premier a répondu par la négative en disant qu'il n'en avait pas besoin. Le deuxième, lui-même membre d'un syndicat, a répondu que le premier devrait alors lui rendre sa sixième semaine de vacances, lui rendre deux heures de travail par semaine, et renoncer à une partie de son salaire. Il a énuméré toute une liste de ce que les syndicats avaient obtenu pour lui, qui n'était pas syndiqué. J'ai trouvé cela merveilleux. Et cela montre l'importance de la dimension collective de notre syndicat. Nous ne sommes pas qu'une «assurance» individuelle C'est pourquoi l'affiliation à un syndicat est aussi importante: lorsque nous entamons une négociation et pouvons dire que nous représentons 1000 personnes de la branche, nous avons un autre poids que s'il s'agissait de dix personnes.

Comment as-tu vécu le confinement?

Le fait que nous ne pouvions accéder aux institutions était très particulier. Cela a considérablement compliqué le travail syndical. Normalement, nous visitons régulièrement les entreprises et les institutions, mais là ce n'était plus possible. Les réunions du personnel n'ont pas non plus pu avoir lieu. Cela est toujours le cas dans certains endroits. Il ne faudrait pas que les employeurs abusent de cette situation pour malmener la liberté syndicale.

Nos membres ont été très sollicités durant cette période. La plupart des problèmes – heures supplémentaires, personnel manquant, etc. – étaient déjà connus avant, ils sont juste apparus au grand jour. La nécessité de revaloriser ces professions a été évidente. Et je ne parle pas seulement du personnel soignant, mais de tous ceux et celles qui travaillent dans un hôpital, comme le personnel de nettoyage et de cuisine.

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