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Une réforme qui ignore le peuple

La présidente de Syna et ancienne conseillère nationale Yvonne Feri explique pourquoi l'actuelle réforme de la LPP ne constitue pas une solution adéquate et esquisse ce que devrait être une réforme qui bénéficie à l'ensemble de la population. 

En collaboration avec des partenaires politiques, Syna a lancé avec succès le référendum contre la réforme de la LPP, qui a réuni non seulement les syndicats et partis de gauche, mais aussi des organisations de consommateurs. Qu'est-ce qui a conduit à une aussi large alliance?

Au début des travaux de révision de la LPP, les partenaires sociaux étaient convaincus de la nécessité d'un solide compromis entre le patronat et les représentants des travailleurs. Ce compromis a bien été trouvé, mais il a ensuite été tellement modifié par le Parlement qu'il ne constitue plus une solution acceptable. La réforme qui devait susciter un large soutien s'est muée en un projet unilatéral. La vaste alliance qui défendait la solution de compromis élaborée en commun, s'oppose désormais en bloc à cette réforme dénaturée.

Que prévoyait la réforme initiale?

Elle reposait sur trois priorités: abaisser le taux de conversion constitutif de la rente, garantir le niveau de la rente dans le régime obligatoire et améliorer la couverture de la rente pour les personnes à faible revenu et/ ou travaillant à temps partiel. Parallèlement, la LPP devait être modernisée en tenant compte de différents intérêts. Ces objectifs sont actuellement loin d'être atteints. 

La baisse du taux de conversion demeure un élément central de la réforme actuelle. Quelles en sont les conséquences?

Une baisse du taux de conversion sur la partie obligatoire signifie une réduction des rentes, qui serait particulièrement sensible pour les bas revenus. C'est moins significatif dans la partie surobligatoire, où les taux de conversion stagnent déjà à un niveau plus bas. Dans le compromis initial, les bas revenus recevaient des compensations pour amortir la baisse du taux de conversion. Dans la réforme actuelle, ces compensations sont moins importantes. Mais au fond, la vraie question est de savoir s'il faut réellement baisser le taux de conversion, et si oui, dans quelle mesure, parce que la situation économique des caisses de pension n'a jamais été aussi bonne.

Ses partisans affirment que la réforme protégerait en particulier mieux les personnes qui gagent peu et/ou travaillent à temps partiel. N'est-ce pas une bonne chose?

Il est vrai que nous nous sommes longtemps battus pour que les personnes à bas revenus et travaillant à temps partiel accèdent aux caisses de pension. Auparavant, en raison de la déduction de coordination élevée, les revenus inférieurs à 22 050 francs n'étaient pas assurés par la LPP. La nouvelle approche en pourcentage leur permet certes de cotiser à la caisse de pension, mais elle implique des déductions salariales élevées. La réforme impose de lourdes retenues sur des salaires déjà trop bas, pour n'accorder ensuite qu'une maigre rente. Est-ce une bonne chose? Nous ne le pensons pas. 

L'organisation féminine libérale Alliance F soutient la réforme, alors que les syndicats s'y opposent. Comment expliquer cette divergence de points de vue?

Alliance F accorde une grande importance à des détails tels que la déduction de coordination et l'abaissement du seuil d'accès à la L PP. L es syndicats e t d 'autres organisations examinent pour leur part la proposition dans son ensemble. Il en ressort que seul un petit nombre de personnes profiteront de la réforme, tandis que beaucoup seront perdantes, que ce soit en raison de déductions salariales élevées, de rentes plus faibles, d'un statu quo insatisfaisant ou parce qu'elles n'auront toujours pas accès à une caisse de pension. La proposition actuelle ne constitue pas de véritable amélioration pour les personnes travaillant à temps partiel ou dans des secteurs à bas salaires, qui emploient surtout des femmes.

Tout le monde s'accorde sur la nécessité d'une réforme LPP. Que se passera-t-il si le peuple refuse cette proposition? Combien de temps faudrait-il attendre une autre solution?

En cas de rejet, le Conseil fédéral et le Parlement devront élaborer au plus vite un nouveau projet de réforme. Ils seraient bien inspirés de s'en tenir au compromis initialement élaboré par les partenaires sociaux. À moins que le sujet ne soit traité en priorité, cela prendra environ trois ans.

Comment concevoir une future réforme du 2e pilier qui améliorerait la sécurité financière des femmes dans la prévoyance vieillesse et tiendrait compte de manière appropriée de leur travail de soins aux proches non rémunéré?

Il faut des solutions pour les interruptions de travail liées à la famille, le travail à temps partiel et les emplois multiples. Une nouvelle réforme ne doit pas imposer à la plupart des travailleurs et travailleuses plus de retenues salariales pour une future rente qui ne sera pas (ou à peine) plus haute. Il faut que le seuil d'entrée à la LPP et la déduction de coordination tiennent aussi compte des très bas revenus. Le taux de conversion doit garantir un niveau de rente suffisant pour vivre dans le régime obligatoire et il faut des prescriptions pour les caisses de pension afin d'éviter que les frais administratifs n'augmentent et ne privent ainsi les assurés d'une épargne supplémentaire. L'objectif devrait être de maintenir ou d'augmenter le niveau des rentes et d'assurer le plus grand nombre possible de travailleurs à la LPP. Ces exigences ne sont pas ou insuffisamment remplies par la réforme actuelle. Le compromis initial des partenaires sociaux a montré qu'on peut parvenir à une solution bénéficiant d'un large soutien. Nous devons revenir à cette approche pour procéder à une réforme équitable du deuxième pilier.

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