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Personne n’est à l’abri de la discrimination

Depuis 1981, l'article sur l'égalité (art. 8 de la Constitution fédérale) oblige le législateur à assurer l'égalité de droit et de fait. Depuis 1996, la loi sur l'égalité (LEg) protège les personnes contre les discriminations fondées sur le genre sur le lieu de travail, depuis la mise au concours d'un poste jusqu'à la résiliation du contrat de travail. 

La loi sur l'égalité comporte deux dispositions spéciales. Il y a d'une part l'article sur l'allègement du fardeau de la preuve qui stipule que la partie plaignante n'a pas à prouver la discrimination, mais «seulement» à la rendre vraisemblable. Il revient à l'employeur de prouver qu'il n'y a pas eu de différence de traitement ou qu'elles étaient fondée sur des critères objectifs. Cela concerne l'attribution des tâches, l'aménagement des conditions de travail, la rémunération, la formation initiale et continue, la promotion et le licenciement. Les cas de harcèlement sexuel ou de non engagement font exception à cet allègement du fardeaude la preuve : dans ce cas, c'est la partie plaignante qui doit apporter la preuve. L'autre disposition importante concerne les frais de justice. Lors de procédures entrant dans le cadre de la loi sur l'égalité, aucun frais de procédure n'est prélevé, à moins qu'il ne s'agisse d'un procès mené de mauvaise foi ou de manière téméraire. Par ailleurs, une protection renforcée contre le licenciement s'applique pendant les procédures relatives à la LEg. 

Les trois cas suivants illustrent l'application de la loi sur l'égalité dans la vie quotidienne:

1er cas: Quand règnent les préjugés

Un éducateur pour jeunes enfants dépose sa candidature auprès d'une crèche. Bien qu'il ait la formation nécessaire et que son dossier de candidature ait été jugé très prometteur, il reçoit une réponse négative. La direction justifie ce rejet au motif que, dans d'autres établissements, des éducateurs masculins se sont rendus coupables d'inconduites sexuelles, et que certains parents s'opposent par conséquent à ce qu'un homme ait la charge de leur enfant. De surcroît, les moyens financiers limités de la crèche ne lui permettraient pas de soutenir l'éducateur en cas de litige avec les parents.

Décision de justice: L'autorité de conciliation part du principe qu'il y a eu discrimination à l'embauche (art. 3 de la loi sur l'égalité). Les parties s'accordent sur une indemnisation de 8000 francs.

2e cas: Deux poids deux mesures pour le salaire

Au fil des ans, une employée gravit les échelons hiérarchiques dans une entreprise de cybersécurité. Elle est promue cheffe de département, avec d'autres services sous ses ordres. Puis elle apprend que certains membres de son équipe reçoivent un salaire annuel (y compris les primes et les primes de résultat) plus élevé que le sien. Le chef d'un des service dont elle est responsable gagne lui aussi plus qu'elle. Après une procédure de conciliation infructueuse, l'employée démissionne et saisit le tribunal pour obtenir une indemnisation ainsi que la différence de salaire qui, selon elle, lui revient.

Décision de justice: Le tribunal considère que la discrimination salariale par rapport aux subordonnés est probable, mais l'employeur parvient à expliquer la différence temporaire de salaire par des raisons objectives telles que la formation, l'expérience, l'âge ou l'ancienneté. Le tribunal conclut alors qu'il n'y a pas de discrimination salariale.

3e cas: Agression dans le cadre de soins à domicile

Une employée de maison, proche de la retraite, travaille depuis quatre ans à temps partiel pour un couple âgé, chez qui elle est responsable de la cuisine et du ménage. Le mari la harcèle sexuellement, d'abord par des plaisanteries suggestives, puis par des étreintes et des tentatives de l'embrasser. Elle se défend et lui fait comprendre qu'elle n'est pas employée pour répondre à ses besoins sexuels. Ayant elle-même un mari malade, dont les médicaments ont pour effet secondaire une augmentation de la libido, elle comprend la situation, mais tient à se protéger. C'est pourquoi, après une autre agression, elle en informe l'épouse et la fille adulte, qui ne prennent cependant aucune mesure. L'épouse se sent dépassée, la fille est d'avis que c'est parole contre parole. Après un nouvel incident, l'employée de maison est mise en congé maladie. Les discussions visant à trouver une solution n'aboutissent pas et l'épouse cesse de verser le salaire. L'employée de maison dépose une demande de conciliation et une plainte pénale. Le représentant juridique du couple menace de porter plainte pour diffamation et conteste les accusations. L'employée de maison démissionne sans préavis et réclame le salaire impayé ainsi que le salaire en cas de licenciement ordinaire.

Décision de justice: L'employée de maison fait un récit crédible des incidents devant le tribunal de conciliation. Le tribunal parvient donc à la conclusion que les faits de harcèlement sexuel invoqués se sont effectivement produits. Le couple n'ayant pas pris de mesures pour prévenir ou remédier à ce harcèlement, une indemnité est due (art. 4 et 5 de la loi sur l'égalité). Les parties s'accordent à accepter la proposition de l'autorité de conciliation (9750 francs d'indemnité et paiement du salaire dû jusqu'au moment du licenciement immédiat).

Bilan

Malgré les améliorations apportées par la loi sur l'égalité (LEg), telles que l'allègement du fardeau de la preuve, la renonciation aux frais de procédure et la protection des salariés qui portent plainte, beaucoup de personnes hésitent encore à aborder les problèmes de discrimination au travail ou à engager des démarches juridiques. Cela s'explique d'une part par le risque financier (p. ex. indemnisation de la partie, frais d'avocat) que représente la somme due en cas de défaite et d'autre part par le risque de perdre son emploi.

Le fait que 63% des jugements rendus par le Tribunal fédéral concernent des rapports de travail de droit public, alors que seul un salarié sur cinq environ travaille dans ce secteur, montre que ces risques influencent la probabilité d'une action en justice. Les rapports de travail de droit public existent entre les employés et les institutions publiques telles que l'État, les communes ou les institutions étatiques. Ils sont soumis à des réglementations spécifiques de droit public. Dans ces cas, le risque financier est moindre, parce qu'il n'y a pas d'indemnité à verser aux parties et que le risque de perte d'emploi y est plus faible que dans des relations de travail de droit privé.

Un autre problème est que les juges ont l'habitude de prendre leurs décisions sur la base de preuves et non sur la base de la vraisemblance. Cette autre approche ne semble pas encore être entrée dans les moeurs. Dans plus de la moitié des cas où s'applique l'allègement du fardeau de la preuve selon la LEg, la vraisemblance n'est pas reconnue. En conséquence, les chances de succès peuvent aussi avoir un effet dissuasif: une analyse de la jurisprudence cantonale de 2017 a montré que dans 62,5% des cas, les décisions sont entièrement ou principalement défavorables aux salariées et salariés qui font valoir une discrimination selon la LEg. Les cas de discrimination requièrent beaucoup de force de la part des personnes concernées pour se lever et s'exposer. Or, ce courage n'est malheureusement pas toujours récompensé. Nous nous engageons pour que cela change. 

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